Bleu, il fait bleu dehors. Le soir tombe doucement sur ce village de mon enfance. Je dois dire que je n'aime pas ce village, histoire de casser votre imagination fertile aux histoires d'enfance heureuse.
Je vois depuis ma chambre les collines entre les toits des maisons. Puis je ne résiste pas, je prends mon manteau, une père de botte, je vais me promener, c'est rare.
Je traverse la nationale 74, puis marche dans les vignes un petit moment. Une fois au croisement, je prends à droite, parce qu'il fait moins sombre, qu'on est moins dans la forêt et qu'on voit encore la route et le village voisin. Cela me rassure, d'un côté, je suis tentée de prendre à gauche, c'est si beau à gauche, il fait sombre, on entend parfois les pas des animaux qui vont se cacher, c'est magique, mais seule, j'aurai peur.
Donc, je vais à droite. Je passais souvent par là quand mon chien était encore vivant, bientôt cinq ans qu'il est mort, un 26 Décembre, quel cadeau. J'ai les larmes aux yeux en y pensant. Je regarde Premaux en dessous de moi. On voit quelques maisons éclairées, et de la fumée qui sort des cheminées. J'approche de la carrière désafectée, un grand trou au milieu de la forêt, j'aime bien cet endroit, on y passe toujours quand on se promène. Il y a sûrement des serpents endormis là dedans, peu importe, je ne risque rien, il fait trop froid. Puis j'entends un bruit qui vient de là bas.
Les jeunes du village que je tente d'éviter? Des vagabonds? Des dingues qui viennent s'amuser dans la carrière?
Je regarde de loin, évidemment on ne voit rien, juste de la lumière qui éclaire les parois de la carrière. J'entends des rires, une musique étrange, rythmée. J'ai peur, très peur. Puis je me reprends, je me dis que je suis stupide, qu'il n'y a rien à craindre. Je me dis ça, et pourtant, je n'en pense pas un mot. Je commence à me dire qu'on aurait dû faire une fête avec mes amis du collège pendant les vacances histoire de se revoir, le lycée ça tue les relations.
Puis j'entends des pas derrière moi, alors je me glisse derrière un arbustre. Des ronces! Oui, de toutes façon il n'y a presque que ça à cet endroit. Pendant que je commence à essayer de retirer des épines des mes mains, un groupe de personnes toutes en noir arrive. Je tremble, je tremble tellement que je crainds de me faire remarquer.
"Je ne suis pas là, je ne suis pas là, je ne suis pas là."
Une fois qu'elles se sont éloignées, je m'enfuis en courant. Je ne me retourne pas, ça serait stupide, j'aurais encore plus peur, et je ne le veux pas. Je cours jusque chez moi, jusqu'à mon portaille noir. J'écarte des gosses qui sonnent à la porte. De toute façon, on a pas de bonbons, ils perdent leur temps.
Moi, j'ai besoin de me rassurer, d'être chez moi, dans am chambre.
Nuit agitée, comme toutes mes nuits depuis le mois d'Avril, saleté de mois, il n'y a pas pire que ce mois, je le garderai dans ma mémoire le mois d'Avril de l'année 2004.
Au matin, il fait encore un peu sombre, il doit être 7h peut-être je ne suis pas certaine. J'attends une heure à lire, puis je n'y tiens plus.
Dans la carrière, il n'y a rien, pas de traces de foyer. Pourtant, il y avait tant de lumière, il ne reste rien. Je ne comprends pas. Seris-je devenue folle?
Nous sommes le Lundi 1er Novembre, et je marche dans les vignes pour rentrer chez moi. Je vais passer par le parc, j'aime bien passer par là, c'est mieux que la rue.
Il y a un peu de pluie, toute fine, j'ai dû rêver hier soir, mais tout semblait si vrai, tout semblait si vrai....