J'étouffe. Il faudrait crier pour ne pas étouffer. Je n'aime pas crier, j'aime mieux être invisible, alors je me tais. Pourtant, je sens les bras froids de la mort autour de mes épaules. Je ne veux pas m'endormir là, pas maintenant, pas aujourd'hui, je voudrais d'abord voir le monde.
Je pleure aussi, parce que j'ai peur, peur des autres, de moi, du monde. Je n'ai pas confiance, ça me fait pleurer. Je voudrais trouver quelqu'un de sûr une fois pour pouvoir me reposer enfin.
J'écris, parce que c'est tout ce qui me plaît vraiment. J'aime sentir un stylo dans ma main ou mes doigts courir sur des touches. J'écris parce que c'est le seul moyen de m'exprimer, je ne sais pas parler.
Je marche, je vais à la rivière, là Rivière de Larmes.
*
Il y a sur la voute céleste la lune. Elle se cache derrière des nuages de charbon qui se bèrcent dans les airs. Plus je marche plus elle est loin derrière, puis à un détour, je la retrouve devant moi. La lune n'est pas stable, mais les hommes l'aiment, c'est leur seul repère dans les nuits sombres et glacées. Mais la lune est la mort, et ça, ils l'oublient.
Il y là la terre. Elle est dure, elle est froide, elle est la vie. On peut l'aimer, on peut la haïr, c'est notre mère, elle nous aime tous, quoi que nous fassions. Si l'on refuse la vie, c'est à elle seule qu'il faut s'en prendre, parce que notre père est loin, trop loin.
Là bas, celle que je ne vois pas, la mer. Elle n'est rien, elle contribue à la vie, à la mort. Elle est neutre. Elle n'aime que ses enfants qui se mouvent avec grâce dans l'écume et les vagues. Elle brille, elle éclaire, elle ammène la joie. Pourtant, nous avons peur d'elle, nous savons qu'elle peut être cruelle. Mais elle n'est pas sournoise, elle n'est pas la lune.
Et la lune est rousse cette nuit, le mal va s'étendre.
*
Je pleure, je déverse toutes les larmes qu'il me reste dans la Rivière de Larmes. Je ne vois dans cette eau maudite qu'une chose, mes yeux. Ils sont vert, ils sont l'espoir. Un sanglot me fait sursauter, et un mince sourire vient se dessiner sur mes lèvres.
Je dois me lever, je dois encore marcher, parce que je suis l'Espoir, l'Espoir qui veut sortir de la boîte. La boîte que Pandore a refermée.