Il y a des soirs comme ça. Pleins de ces lourds silences qui tombent comme des rideaux sur nos vies qui nous saluent un instant, spectateurs.
Des soirs comme celui-là dont on attend patiamment la fin qui tarde, c'est que la fin n'arrive jamais quand on la veut.
La pièce était mauvaise ce soir. Elle sera peut-être meilleure demain, ça reste à espérer.
Le ciel est tout noir percé d'éclats dans les histoires, et à la campagne, mais ici, il est bruni par les lampadaires. C'est joli aussi, si on y regarde bien, mais il n'aime pas trop regarder, il a peur de foncer sur quelqu'un, et on ne sait jamais sur qui on peut tomber, même ici dans ces quartiers qui sentent l'argent et la musique de chambre.
Il a des mains sales, très sales, c'est pour ça qu'il les met toujours sous des gants. Certains l'appellent Pâte d'argent, pour plaisanter. Mais ils ne savent pas à quoi elles servent ces mains là, il ne vaut mieux pas d'ailleurs...

Tous les autres rentrent dans des cabs ou autres véhicules. Il n'aime pas ça, il n'est pas loin, il peut bien marcher un peu. Le vent s'engouffre sous son léger manteau. Il aime bien la nuit, on est plus tranquille. Il regarde nerveusement derrière lui. Personne.
Il tourne pour le cimetière finalement, il ne peut pas attendre. Il retire déjà ses gants. Qu'elles sont sales, plus encore qu'il ne le croyait. Normal après tout, on ne fouille pas tous la terre jours et nuits.
Il ne se souvient plus toujours pourquoi il arpente les cimetières de cette ville. Pour une chimère ravissante entraperçue un jour de pluie et qu'il a su morte. Pour voir comment on peut faire revenir les âmes.

Il y a des jours avec, il y a des jours sans.
Il y a des nuits noires et diamants recouvertes de brun, c'est dommage, mais c'est comme ça.
Il y a des nuits sans lune, il y a des nuits sans, il les préfère avec, et ronde et rousse de préférence, c'est plus effrayant-attirant.
Il y a des jours sans, mais pas sans amour, parce que ça, ça ne s'efface pas, et ça fait avancer, même si c'est long. Même si il y a des doigts noirs sous les gants...