Samuel, un prénom doux, sonore, un peu magique, un peu poétique, un peu violent aussi. Un prénom d'archange, son prénom.
C'est un archange, un grand archange brun. Avec des yeux à faire fondre l'éternité.
C'était son prénom, mais plus maintenant. Quand un archange se sacrifie, il change, tout change. Il ne s'appelait plus Samuel, il était relégué au rang d'âme damnée. Samuel, il aimait son nom, à présent, c'était Samouïl, le prénom barbare, il avait reçu le dernier châtiment, devenir barbare.

Samouïl marchait dans la violence du noir. Le noir, ça paraît calme, immobile, mais c'est violent, patient. Le noir se tapit dans les coins, et sa proie ne peut lui échapper. Tel la hyène, il est endurant. Il se cache, puis bondit au léger moment d'inattention, de faiblesse, de relâchement. C'est pour ça qu'on ne lui échappe jamais.
Que devait-il faire dans le noir? Fuir, attendre, se battre pour un nom, un nom d'archange. Se battre pour Samuel? Mais s'il remportait, que ferait Samuel, fauterait-il à nouveau? Laisserait-il sa bonté sauver un enfant? Un enfant du Diable avec ses yeux de chérubin, ses joues de mendiant, et ses sourires en larmes de petit malheureux?
Samuel serait-il plus fort, inflexible, comme Gabriel, Michel et Raphaël? Si Raphaël était avec lui, il l'aurait conseillé, comme autrefois, mais personne ne parle à un déchu, personne, même Dieu lui même.
Et l'enfant? Dans le corridor du noir, l'enfant viendrait-il l'aider à son tour, ou était-ce un vrai enfant du Diable? Eurynome, c'était joli comme nom de Diable, Samouïl avait aimé ce nom dés que l'enfant l'avait prononcé. Un nom de Diable gracieux comme un nom d'ange. Un nom impossible.
Samouïl se demandait pourquoi. Pourquoi après cinq cent ans avait-il fait cette erreur? Il y avait eu des dizaines de femmes pour le tenter pendant son vivant, et de l'argent, mais non, il n'avait rien touché. Il avait sauvé le fils du Diable qui tombait du Ciel. Sauver un enfant, un crime.
Samouïl soupira. Les Portes de l'Enfer, il aurait désiré les voir ce jour là. Il n'aurait plus été seul, il souffrirait, mais il y aurait du bruit, des âmes, quelque chose. Samouïl se dit qu'errer dans les couloirs du temps était plus difficile qu'autre chose.
"L'Ange, cria une petite voix. Tu as perdu tes plumes?
Il regarda ses ailes, en effet, ill n'y avait plus que des os là où autrefois se dressaient des nuages de plumes. Puis il regarda derrière, dans le noir. L'enfant.
-Je suis venu l'Ange, je dois t'emmener avec moi, viens."
La petite main douce prit la sienne et l'entraîna dans le temps.
Ils arrivèrent à une grande porte noire, éclairée par une lumière rouge se trouvant de l'autre côté.
"L'Enfer, murmura Samouïl.
-Oui l'Ange, c'est tout ce que je peux te donner. Mon père te remercie de m'avoir sauvé. Je suis son héritier, même s'il ne mourra jamais.
L'enfant souriait de ses paroles, il se moquait de régner, il voulait s'amuser.
La porte s'ouvrit sur des cris et une lumière rougeoyante. L'archange frémit, le Paradis était l'opposé même de cet endroit brûlant et animé. Involontairement, il pressa plus fort la main enfantine.
"N'ai pas peur. Tu ne vas pas aller dans les flammes. Tu vas avec les diablesses, au 'Supplice des Anges', comme dit mon père. Tu verras les plus belles créatures, et sera torturé entre ton envie d'elles et ta virginité d'ange.
-Pourquoi me fais-tu souffrir, petit, je t'ai sauvé.
-Parce que l'Enfer est fait pour souffrir l'Ange. Mais n'ai pas peur, tu es chez toi."

Des jeunes filles, beautés ténébreuses et fatales, dansaient sensuellement, autour d'un feu. Samouïl souffrait rien qu'à leur vue, il ne voulait pas ça, il regrettait le Ciel.
Dans un acte désespéré, il sauta dans les flammes de Satan, la seul mort possible des Anges. La chaleur le prenait, il hurlait à son tour, il avait mal, mal, et ces filles autour de son bûcher, et cet enfant à distance au sourire énigmatique, pourquoi? Pourquoi lui, il avait juste sauvé un enfant, un enfant de Diable. Il sentit ses plumes repousser, mais c'était trop tard, c'était pou mieux souffrir, car les flammes l'emprisonnaient, corps et ailes se consumaient, pour l'éternité. Il allait passer l'éternité entre cet enfant, ces jeunes filles, et ces flammes immortelles. Il passerait son éternité à brûler.