Gracieusement les danseuses sautillent et virevoltent au rythme des violons qui semblent les commander comme une armée de fées. Dans le noir du théâtre on ne voit qu'elles, si blanches, si pures, comme de jolies poupées offertes aux yeux de tous.

Il les compte pour ne pas s'ennuyer: une, deux, trois, quatre... et on recommence. A côté de lui la femme blonde s'est arrêtée de respirer, comme si sa vie toute entière avait été aspirée par les mouvements magiques des minuscules ballerines si lointaines. Il sent son parfum qui fait un peu plus âgé qu'elle. Elle est blonde comme une princesse nordique, son menton est un peu lourd et cela lui donne un air grave, concentré.

A sa gauche se tient un homme, accompagné par sa fille sans doute. Une rousse toute mince qui a elle l'air de s'ennuyer un peu. Elle balance les jambes et parfois soupire trop fort, ses voisins pensent sans doute qu'elle est très mal élevée cette jeune-fille.

Il se replonge dans les mouvements des petites reines de la scène. Il se dit qu'il aurait aimé happer ainsi le regard de belles femmes blondes. Quelques pas encore et deux ou trois pirouettes. Ce sera bientôt la fin, et les artistes disparaîtront. Il ne restera plus que des spectateurs au sortir d'une rêverie et d'autres pressés d'attraper un taxi.