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La malédiction du sang
Sans
Il regardait au loin la mer en tempête, et seul dans la cabane abandonnée, il fit un feu. Il ne pouvait pas s'appuyer contre le mur tant les pierres étaient glacées.
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Il s'appelait Sans, car on ne lui connaissait rien, pas de famille, pas d'origine, pas de nom.
On l'appelait Sans comme Sang, car la première fois qu'on l'avait vu, il saignait des torrents, et le sang séché le recouvrait. Mais on écrivait Sans, par peur d'un mauvais sort.
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Le ciel violacé sans fin et zébré d'or le mettait en trance. Il avait l'impression de renaître, l'orage du crépuscule, le chaos magique, c'était une oeuvre répétée et toujours différente. Il leva les yeux sur la lune, rousse. On aurait dit une pièce de cuivre. Il en avait déjà vu, mais jamais eu. Il frissonnait. Il était dos au feu crépitant et sauvage. Il sentait la haine en lui. La haine de tout, la haine des autres, de lui. Il voulait pleurer, s'énerver, il ne pouvait pas. C'était trop puissant pour qu'il puisse le faire. Il pouvait attendre, avoir faim, être triste, ces sentiments simples.
Il se sentait mourrant, car il ne pouvait se sentir malade.
**
Quand il se leva, la tempête était toujours là, et le ciel était devenu d'acier. Il sortit pour aller sur la plage de pierres froides, peut-être trouverait-il des objets interessants, il y avait sûrement eu un naufrage durant la nuit.
L'orage l'avait fait renaître, il se sentait délicieusement bien. Sur les rochers, les vagues s'achevaient, et la plage était inaccessible. Il se retourna, mains dans les poches. Il devait attendre.
**
Il retourna dans la cabane, prit sa couverture et un morceau de pain, ses quelques trouvailles récentes, et parti. Il ne voulait pas attendre.
Le sang allait revenir, mais il ne pouvait pas rester, l'appel était trop fort.
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Des jours de sang et de courses affolées, puis, il arriva au nouveau lieu. Il se demanda, mais pas longtemps, ce qu'il arrivait à l'ancien lieu quand il le quittait. Il arriva titubant et ensanglanté à la fontaine, il était sauvé. Les gens autour le regardaient étonnés. Le soleil tombait, et la nuit amenait ce jeune homme.
**
On le nomma Sans, car il n'avait rien. On voulait dire Sang, mais Sang, ça apporte le malheur.
Le garçon était solitaire, et vivait à l'écart. Il faisait peur, mais on achetait volontiers ce qu'il vendait. En effet, ce qu'il ramenait de la plage valait plus que ce qu'en ramenait les autres.
**
Il regardait la nuit calme. Dans les débris du vieux phare de bois, il entendait la mer, et remuait des braises. Il sentit une présence dans son dos. Il ne frémit pas. La personne-présence alla se placer en face de lui, de l'autre côté. Il la connaissait, il la regarda à peine, puis se leva, il allait dehors. Il ne pouvait pas, il ne voulait pas rester avec elle.
Seul, il devait être seul comme le sang dans la chaire, lui dans le monde.
**
La fille le suivit, il sentait un sentiment de haine monter en lui. Il n'était pas une bête curieuse, il voulait être seul.
Il tourna la tête vers elle qui avançait timidement dans l'ombre. Il s'assit puis dans sa main se resserra autour d'une pierre. Elle continuait d'approcher, un peu moins tendue. Elle pensait qu'il l'attendait. A quelques mètres, elle s'arrêta brusquement.
La rage le prit, il se jeta sur elle, frappant avec la pierre son corps et sa tête, la haine montait, elle bouillonnait plus que jamais. Ses dents prirent la chaire enfantine, il la tira, la transperça, ses mains labouraient de coups.
Elle ne criait pas, elle n'y arrivait plus. Tant de violence pour si peu de choses, elle ne savait plus.
**
Il se réveilla avec du rouge en dessous et du noir au dessus. L'orage venait, il accourait. Il tourna la tête, pensant à un rêve, mais le corps était là. La fille était là, morte, son corps entièrement défoncé et déformé.
Il pleura, jamais encore il ne l'avait fait. Maintenant, il devrait courir plus vite encore, se battre, fuir la malédiction du Sang.
Prose de myel, le Mardi 10 Août 2004, 18:58 dans la rubrique "Jahe".