Le calme. Le calme, enfin loin du bruit, de la corruption. Seul, seul pour penser à la pluie qui tombe, au rire qui fait mal, aux larmes qui soulagent. Pouvoir penser, rêver, revivre le passé, c'est agréable, c'est doux. Le passé, c'est comme une drogue, on en devient dépendant très vit, on s'y englue, c'est dur de ressortir.
Bénigne se noyait dans les sables mouvants de son passé. Il se sentait entraîné par ce à quoi il avait renoncé pour devenir ange.
Maintenant, il était le seul ange, le seul archange restant. Un archange unique, seul survivant de l'ancienne hiérarchie angélique. Il s'en moquait, il aurait voulu revenir dans le passé, et refuser de devenir divin, immortel. Il aurait du se marier dans sa bourgade avec la belle Ethel. Seulement, il avait refusé, là s'arrêtait leur amour.
Il revoyait le sourir gentil, le corps mince, la taille fine, la peau blafarde, le cheveux sombres. Il aurait aimer la voir danser à son bras en robe immaculée, la voir rire, la voir tout les jours de sa vie, l'avoir aussi.
Mais non, à l'époque, il était un rêveur romantique, il avait voulu devenir un archange. Adieu Ethel, adieu mon amour, adieu la vie, adieu la famille, je monte au ciel.
Oui, c'était stupide, il le reconnaissait, aucune foi ne valait un tel sacrifice, sauf si l'on était vraiment seul. Lui il ne l'était pas, il était beau, jeune, brillant, et aimé. Non, il avait été stupide, aveugle.
Il se rappelait de la lettre pour Ethel.
"Mon Ethel,
je t'aime, et rien ne pouvait me faire plus plaisir que de savoir que nous allions nous marier. NOn, je ne t'aurai abandonné pour rien au monde. Mais la raison pour laquelle je te laisse est superieure au monde des hommes. Dieu m'a appelé à devenir l'un de ses archanges. Oui, tu vas me prendre pour un fou sans doute, mais non mon Ethel, c'est la vérité. Je suis appelé à rejoindre le Ciel, c'est pour cela que tu restes ici ma reine esclave, ma princesse abandonnée.
Je m'en veux, mais le Ciel nous réunira un jour à nouveau, je n'en doute pas.
Je veillerai toujours sur toi.
Bénigne qui t'aime plus que jamais."
Oui, elle lui en avait voulu sûrement, il n'avait pas oser la revoir, même de loin tant il avait peur d'abandonner les autres anges pour une déesse.

A présent, il était seul dans une cathédrale à la dentelle de pierre abandonnée. Il était le dernier ange, et il était condamné à l'immortalité dans cette crypte. Jamais, jamis il ne pourrait mourir, il n'était pas presque immortel comme les autres. Il était le seul immortel. Condamné à vivre caché pour ne pas souffrir.
Condamné à penser au passé à jamais. Il serait la mémoire des siècles.