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Cher Pierrot
Très cher Pierrot,
Je suis revenu dans la maison de mon enfance, tu sais, cette maison aux murs blancs qui donne sur une place. Et le vent est venu avec moi, il est là, comme dans mon souvenir, et ne laisse pas de répit aux cimes des arbres malgré le grand soleil. Ici je me sens reposé, tout est calme, très calme. Dans mon esprit le bruit de Paris et ses mauvais embruns s’en sont allés. Il ne reste plus que cet endroit précieux. Tout près d’ici se trouve un chemin que j’ai pris mille fois avec des amis, un chemin qui suit une ancienne ligne ferrée. Il plonge dans la forêt, puis se retrouve haut au dessus d’une rivière qui gronde. C’est magnifique, majestueux. Suivre cette route, c’est un peu comme remonter dans le temps. Si un jour tu viens ici avec moi, je te le montrerai. Je pense souvent à mes médecins, malgré leur absence. Je me dis que si ils me voyaient tel que je suis ici, alors ils cesseraient sans doute de vouloir me faire enfermer. Je suis ici le meilleur des hommes: doux et calme, je m’adonne durant des heures à la lecture et à la contemplation de cette campagne encore à demi sauvage qui m’entoure. Il est dix heures, les cloches de l’église commencent de sonner. Bientôt toute une partie du village sera là, l’autre sera au marché ou ira dans l’autre église, bien sûr. Quant à moi, cher Pierrot, je n’y vais toujours pas. J’ai beau être un homme meilleur, toutes ces bondieuseries ne m’attirent toujours pas. J’espère que tu sauras pardonner à un vieil ami, mais je te fais confiance pour cela, en effet, n’es-tu pas le seul qui soit toujours là en dépit de ma folie? Hier se tenait un bal de l’autre côté du village, je m’y suis rendue avec ma soeur. Elle connaissait tout le monde, et ne cessait de s’arrêter pour saluer untel ou untel qu’elle n’avait pas vu, disait-elle, depuis longtemps. Je dois avouer que je lui envie cette facilité à vivre ici simplement. Elle semble si heureuse comparé à moi qui me lamente depuis des années sans trouver ce qu’il manque à ma vie. Sur ce, je vais devoir te laisser, mon cher ami. Il me reste peu de temps avant de reprendre un train pour la capitale. Je pourrais pourtant rester ici des siècles sans jamais m’en lasser. Bien à toi, Ton ami. Prose de myel, le Lundi 22 Juin 2009, 16:05 dans la rubrique "Bulan".
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