Dans la ville sans visage, il erre toutes les nuits à la recherche de ce qu’au fond nous recherchons tous : la Maison. Les ombres avancent et se détournent sans jamais pouvoir répondre aux questions enfouies au fond de son âme.

Si on lève la tête, on ne voit pas les étoiles venues pour illuminer la nuit, mais seulement un ciel couleur coca-cola qui s’étend à l’infini et recouvre des kilomètres d’immeubles endormis.
Parfois, l’envie le prend de frapper à une porte, pour voir quel visage viendrait lui ouvrir, alors il lève la main, hésite un instant, puis la range au chaud dans une poche de son manteau. Il ne fait pas bon jouer avec les inconnus, en tout cas c’est ce qu’on lui a dit autrefois.

Pour remplir le silence de la nuit, il chante. Il a toujours aimé chanter, c’est juste qu’il chante plutôt faux, alors en général, il évite ; mais depuis qu’il cherche la Maison, il ne s’occupe plus guère de ce que peuvent penser les autres.

En dépit du ciel brun et des âmes qui glissent autour de lui, il aime cette ville. Il la sent belle, pleine de promesses, mais ces promesses ne sont pas pour lui et il n’a pas envie de tendre les bras pour s’en saisir. Lui, ce qu’il voudrait, c’est simplement rentrer chez lui et enfin trouver un endroit où il se sentirait véritablement à sa place. Mais il se demande s il existe quelque chose de tel. Ne sommes-nous pas tous condamnés à chercher en vain un endroit qui nous rappellerait la chaleur et la douceur du ventre d’une mère ?

Comptant ses pas, il marche au clair de lune, sans jamais s’arrêter pour contempler les lumières blanchâtres de la nuit. Un jour, il sait qu’il pourra reposer ses pieds ; la Maison se trouve forcément quelque part.