Je regardai les esclaves sur la place autour. Des peaux nues, blanches ou noires, et des visages sans expressions. Parfois certaines femmes frissonnent lorsque des hommes viennent les acheter, elles ont peur, et elle ont raison. Parfois aussi, des larmes perlent sur les joues des enfants.
Moi, je suis avec les adultes, entre un grande femme rousse et un homme blond perdu dans des pensées insondables. Nus ou presques, nous cuisons sous le soleil de cette ville du sud.
Je regarde le marché des danseuses à quelques pas d'ici. Elles sont grandes, un peu rondes, elles animent ce lieu agité qui me semble plus triste que tous les enfers. Il y a des celtes, des arabes, des africaines, des égyptiennes, des thraces, et pliens d'autres races dont je n'ai pas appris les noms.
La femme à côté de moi s'en va, on l'a achetée. Autrefois, on m'a dit que les esclaves des Grecs n'étaient que des objets. Ceux-là ne sont pas Grecs, mais vallent-ils mieux? Je n'en sais rien, j'aimerais me blottir contre le flanc de notre chien, et carresser sa fourrure brune pendant des heures. Ici, pas question de pleurer. Un coup de fouet par larmes. Nous devons rester droits, être silencieux, beaux.
Ce marchand ne vend que des beaux esclaves. J'ai peur à vrai dire de tomber sur un homme aimant la jeunesse un peu trop. Je regarde mon corps. Juste un pagne sur mes hanches. Je suis pâle, extrèmement pâle, et grand. Les hommes ici sont petits, j'ai entendu dire qu'ils parlaientde nous comme de grands barbares blonds.
Qu'est ce qu'un barbare? Un homme sans éducation, je crois. Pourtant, je connais le grec, un peu de latin même, car mon père n'était pas un pêcheur, mais un homme important là bas, de l'autre côté de la Grèce. Maintenant, nous ne sommes que des esclaves parmi tant d'autres, un peu plus cultivés.
J'ai envie de soupirer, de parler dans ma langue natale, de m'asseoir. Je ne supporte pas d'attendre debout au soleil avec l'odeur de la transpiration du tas de graisse qui nous vend qui monte à moi.
J'ai envie de dire que je suis un prince de l'autre côté de la mer, que je ne mérite pas d'être parmi les esclaves. Mais que diraient-ils tous ces gens autour? Rien, ils s'en moquent. Ils regardent les gladiateurs, les danseuses et nous autres avec des yeux gourmands. Comme des enfants qui regardent des patisseries au miel.
L'homme à côté de moi est vendu. Le grand barbare blond s'en va sans un regard, toujours loin de cette ville immonde.
A côté de moi, c'est une jeune-fille, je la regarde, puis souris. Elle baisse les yeux, et souris à son tour, elle s'en va, elle suit un gros homme ne toge blanche dont la sueur dégouline sur le visage.
Je grimace. Quand-est-ce que je partirai? Je ne suis pas prêt à mourir sous ce soleil impossible.
Puis je tombe, je chancèle je ne supporte plus, plus de huit heures que je suis debout là. Tout ce voile autour. Je sens des gens se resserrer autour.
Quand je me réveillerai, si je me réveille, serais-je toujours là, ou à l'ombre d'un arbre dans mon pays volé?