Les chiens noirs du Mexique courent dans l'esprit de l'enfant malade. Il voit le côté pointu de la lune, et les araignées d'argent, aux nids truffés de bulle.
L'enfant a tout oublié quand il a vu le village en feu et tout ce sang, et tous ces morts. Il n'est resté que des histoires sans queues ni têtes. Des histoires de chiens qui dorment sans rêver, de singes à culs nuls dévoreurs de tropique, d'ourson qui s'appelle Ursula.
L'enfant se noit dans des histoires que lui seul comprend encore. Il pleure parfois l'enfant perdu dans son poème, les infirmiers autour ne comprennent pas, ils ne voient pas pourquoi ce petit garçon se perd dans un tel monde, pourquoi il agrandit autant les yeux, pourquoi il ne dit jamais rien.
Il parle dans son sommeil porutant, de journaux en couleurs, d'odeur de connifères, de roses éternelles, et surtout, surtout, du goût de la mort.
Personne ne comprend d'où un si jeune enfant peut sortir tout ça, si jeune, et il parle de la mort, et d'user une bouche avec une autre bouche. On dirait que cet enfant a vécu des siècles, et non pas quelques courtes années.
Il dort en ce moment, et les chiens noirs courent, courent courent, l'enfant sort de l'hôpital tout blanc et sinistre. L'enfant rit, et le rire cristalin raisonne, il s'envole comme un oiseau libéré.

merci à Boris Vian au passage