J'ai grandi. En un an, j'ai beaucoup grandi, je m'en rends parfaitement compte, j'ai changé en essayant de rester la même. Et je n'aime pas ça, je n'aime pas me voir grandir, me voir prendre conscience du monde, me voir avoir des discussions sèrieuses, ça m'inquiète.
Non, avant je ne passais pas non plus mon temps à rire, il y avait les mercredi après-midi et les week-end où je réfléchissais comme je réfléchis maintenant chaque jour. Dés que j'ai un moment d'absence, je pars loin dans mon esprit et je dissèque tout, je commence un monologue intérieur où je me perds en général. Avant je le faisais aussi, mais moins, un peu le soir ou lors d'un coup de blues, j'ai changé, je suis dans un blues permanent qui joue à cache-cache avec moi dans la journée.
Oui, c'est vrai, je ne suis plus la même personne, parce que je ris beaucoup moins, parce que je souris moins aussi, et puis je ne parle plus, je ne raconte plus de débilités, je n'en dessine plus, je n'ai personne avec qui partager mes moments de folie dans la journée, je ne peux plus monter sur un banc ou une table et sauter en agitant les bras, parce que je ne cherche personne au lycée. Oui, je suis avec un petit groupe, je sais, mais voilà, ils ne m'intéressent pas, je les trouve sympas, mais ils ne m'intéressent pas le moins du monde, ils sont vides pour moi. Je voudrais pouvoir leur dire ça franchement, mais ils seraient vexés alors que enfin, ils sont sympas, je les aime bien, et puis je n'ai pas envie de me mettre des gens à dos, pas dans cette jungle là, oh non, pas là-bas, j'ai du mal à survivre. Et puis l'envoronnement a changé aussi, me replongeant dans une ancienne mélancolie, le bruit pour rien m'ennuie, entendre des ados débiles parler de sexe en cours ne m'intéresse pas le moins du monde, je suis plus mûre qu'eux, ou alors beaucoup moins, mais le sexe et la cigarette et l'alcool ne sont rien pour moi, juste des sujets ennuyeux de conversations idiotes. Tout ce bruit pendant les cours m'entraine dans un mutisme passé, que je ne pensais pas retrouver, et puis, j'aime bien m'enfermer là dedans, mais pas trop non plus, passer ses heures de cours à se dire qu'on est avec des imbéciles qui ne vallent pas le coup, c'est affligeant. Et puis je ne sais pas moi, pourquoi ont-ils l'esprit mal placé aussi, je ne comprends pas, je commence à l'avoir moi aussi à force, mais enfin c'est agaçant aussi de voir de l'amour et du sexe partout, enfin je ne sais pas, il ne vous vient jamais rien d'autre à l'esprit, non?
Voilà, voilà, j'ai changé, ça m'énerve, et tout autour a changé autour, tout a explosé, on a envoyé ceux qui comptaient pour moi tout près et pourtant trop loin. Je ne m'habillerai plus avec n'importe quoi, et particulièrement une jupe, pour faire rire mes amis, je ne ferai plus de fête en petit groupe dans un caveau où on entend passer les trains, et puis j'ai peur, peur que les autres oublient tout.
Et eux aussi ils changent, ils changent, arrêtez un peu de changer!
Je ne suis plus moi, je suis redevenue cette petite-fille qui se sent vite seule et que j'avais réussie à rendre forte, mais bon, c'est comme ça.... fatalité, quand tu nous tiens.

Voilà, me suis perdue encore une fois...