Il serre les dents et attend la fin. Toute cette neige qui tombe et tombe encore sur son corps à peine animé. Il sent le froid le pénétrer avec violence, ses mille dents acérées mordent la chair pâle sans pitié.
Il ferme les yeux et reste appuyé contre le tronc noir, la bête immortelle s'acharne. Il essaie de penser que quelque chose viendra le sauver, mais il sais que c'est vain. Promesses et pensées en l'air. Elles ont traversé les siècles mais ne demeurent que mensonges qui font vivre les autres. Qui le font vivre lui aussi, lui qui s'éteind doucement comme la flamme de la bougie sur laquelle soufflent les enfants naïfs. Ils ne savent pas qu'ils soufflent la bougie comme le temps leur vie.
Ses jambes dans la neige ont la couleur d'un cadavre, nues elles restent immobiles, données à la mort. Le visage givré il se bat sans geste, sans bruit contre cet univers blanc et sournois.
Il est fatigué de se battre. Pourtant, il continue, il n'a que ça à faire, il tente de garder un semblant d'honneur en ne s'offrant pas à la grande Faucheuse. Ca aussi ça ne sert à rien, l'honneur, c'est vide de sens, juste un semblant de gloire dans la vie noire et morne. C'est de l'orgueil, juste de l'orgueil, un des sept péchés capitaux est donc l'honneur, et oui, on ne dirait pas.
Il ferme son poing gelé et chante à la neige qui le brûle. Cruelle et amoureuse, elle tue celui qui la craint, celui qui se meurt et ne peut pas bouger.
Tout ce qu'il a cherché, c'est l'amour des hommes, la reconnaissance, et il n'a rien. Il est seul, abandonné de ceux qu'il a voulu aider, et il sent la mort et le froid rentrer en lui, prendre possession de ce corps trop lourd.
Tout ce blanc de neige et ce noir de vie se mélangent autour de lui, abandonné des siens, il sombre doucement dans la folie. La mort avide attend dans l'ombre son heure. Elle est proche.