Il clos ses yeux et laisse ce qui l'entoure pénétrer totalement son esprit. Il voyage d'image en image, projetant sur ses paupières des images qu'il a vu et des dessins de tous les pays.
Il est obligé de voyager comme ça car il ne connaît que ça du monde. Mais ça lui plaît bien ça. A la maison, il n'y a pas de livres, c'est le mercredi quand il n'y a personne qu'il court à la bibiliothèque. Il reste toute la journée devant ces visages d'ailleurs, ses photos colorées ou sombres aux reflets exotiques.
Quand il les regarde ces grands livres, le monde disparaît aussi. Il est comme seul entouré de rien, et avec cette fenêtre sur le monde qui l'emmène découvrir. Il imagine des discussions entre les marchands, des contes de grand-mères racontés par ceux qui n'ont que ça à faire. Il invente des chants traditionnels, des danses, des langues que lui seul peut comprendre.
Dans les yeux de l'enfant, c'est ça le monde, quelque chose dont il a tout inventé sauf les images et la fenêtre. Il se sent un peu dieu ce gamin que tout le monde oublie. Il a tout pouvoirs sur les faits et gestes de ces inconnus.
C'est bien de se prendre pour dieu, ça ne gêne personne tant qu'on ne le fait pas avec des hommes. Et puis ça fait vivre, dans une bulle oui, mais ça fait vivre quand même.
Il a le sourire aux lèvres quand il est à la maison sur son lit et qu'il regarde fixemment le plafond. Là aussi il se représente les images qu'il a mises dans sa tête...

"Hé connard t'arrête, t'as l'air trop con, rammène toi, j'ai b'soin d'toi!! Putain mais bouge d'là y a rien au plafond... trop con le mec!"