Il marcha un long moment après avoir quitté le village mort. Il s'aventura dans la campagne sombre et fraîche de ce début de printemps. Il avait froid. Il avait oublié de prendre une cape, un manteau... même pas un pull, mais il aimait sentir la brise l'ébouriffer et courir dans sa chemise.
Puis enfin, il arriva au sommet de la butte, près du vieil arbre presque mort, le Doyen, comme on l'appelait dans la région.
Il commença à grimper, grimper, grimper encore, toujours plus près des étoiles, seuls astres dans cette belle nuit sans lune.
Et sur la plus haute branche, il s'est assis, et il a regardé en direction de l'Est.
Des heures et des heures, il a compté les étoiles, récité des poèmes, chanté des comptines de son enfance tzigane, raconté des dizaines d'histoires au ciel.
C'était long tout ce temps, les étoiles se décrochaient si lentement de la voute céleste pour tomber dans l'océan des lendemains. Plusieurs fois même, il cru que le sommeil allait le prendre, que la mauvais marchand lui avait offert ce qu'il ne voulait pas. Mais il tint la nuit, et vint enfin celle qu'il attendait.
L'aurore couronnée de rose et de lumière, suivie des peuples de rosée, s'élança dans la campagne rouge du matin.
Le spectacle enchanteur de la belle du jour dura quelques instants, puis, éphémère beauté, elle disparu derrière les chênes endormis, conquérant le monde, guerrière du jour.

Depuis, chaque matin, dans un trou de noirceur, un fou attend le spectacle de l'aube pour aller 's'emmourir' dans le monde de ses rêves...




(Pour Mylord)