Autour de lui dans la ville noire tombent des êtres de pluie. Il les regarde naître, vivre le temps d'un grand saut puis mourir sur le pavé. Tous éphémères, et il chante pour eux, il chante la vie de ses petites choses que les hommes oublient trop souvent de voir.
Il s'émeut de ces instants de vie si courte comme il s'émeut de voir les feuilles tomber en automne.
Les autres ne voient-ils donc pas toute cette vie autour d'eux qu'ils tuent lentement?
Il aime bien la rue la nuit, c'est pour ça qu'il y vient, pour admirer la lumière des lampadaires sur le trottoir, pour voir passer les taxis noirs pleins de gens plus ou moins imbibés...
Mais en même temps chaque fois qu'il fait ça, il a envie de laisser couler toute l'eau de tous les océans sur ses joues livides.
Il ne prend jamais de parapluie quand il pleut comme aujourd'hui, ça serait cruel de tuer ces petits êtres avant l'heure de leur mort, et il n'aime pas faire du mal, c'est trop dur...
Il sourit éperdument au ciel brun de la ville qui s'endort pour certains, se réveille pour d'autres...
Il se dit que la dame en blanc de la grande maison close doit le chercher à l'heure qu'il est. Elle lui a déjà dit qu'il ne devait pas sortir, il n'a pas vraiment compris pourquoi. Ca n'est pas si grave de pleurer, il aurait peut-être dû la prévenir, mais il ne sait pas écrire...
Un fou erre dans les rues de la ville et sourit à la lueur des réverbères noirs. Le goudron brille comme une rivière d'étoiles.
Il pleut.